Ponoka

Ponoka

Grand bâtiment instutionnel de plusieurs étages avec une grande allée devant

Remerciements à : Patty Gazzola et aux Archives provinciales de l'Alberta pour le généux partage des images d'archives de Ponoka.  Auteures : Erika Dyck avec Sheila Gibbons

 

 

 

 

Nom(s) de l’institution:

Alberta Hospital for the Insane (1911)

Provincial Mental Hospital in (renommé en 1923)

Alberta Hospital, Ponoka (renommé en1964)

Année d’ouverture:

1911

Lieu:

Ponoka, Alberta

Period of Deinstitutionalization:

1955-1972

Période de désinstitutionalisation:

Année Masc. Fem. Total
1911* 56 108 164
1925 501 363 864
1935 1490
1945 846 604 1450
1955** 1585
1960 1052
1965 1087
1970 693
1972 641

*16 patients étaient déjà en résidence, mais leur sexe n’a pas été pris en compte dans les statistiques

**Sommet de population en 1955

Désinstitutionalisation:

En 1908, le gouvernement de l’Alberta chercha à satisfaire les besoins de ce que l’on percevait comme un nombre grandissant de personnes considérées comme «déficients mentaux» et chercha à mettre en place un hôpital psychiatrique à Ponoka. L’Hôpital psychiatrique de l’Alberta (son nom d’origine) fut ouvert en 1911. Il fut construit pour accueillir 150 patients et loger les infirmiers et les médecins.

Dès 1922, l’hôpital psychiatrique fut administré par le Ministère de la santé de l’Alberta. Aussi bien l’Hôpital de l’Alberta à Ponoka et l’Hôpital de l’Alberta à Edmonton (ouvert en 1923 sous le nom d’Institut pour débiles mentaux) s’occupaient des patients psychiatriques adultes.

Le nombre de patients à Ponoka atteint son sommet en 1955, auquel suivra un déclin progressif durant les années 1960 et une phase de désinstitutionalisation accélérée dans les années 1970. De nombreux facteurs conduisirent le gouvernement provincial à s’engager dans la désinstitutionalisation : l’avènement de psychotropes, les divisions provinciales au sein de l’Association canadienne pour la santé mentale (CMHA) et la mise en place de l’assurance maladie.

À partir de 1958, l’utilisation de tranquillisants était répandue dans l’Hôpital psychiatrique provincial et l’électro-convulsivothérapie (ECT) n’était que très peu utilisée. À partir de 1962, les cures de Sakel avaient complètement cessées et le recours à l’ECT continua de diminuer.

En 1967, le gouvernement provincial commanda une étude sur la santé mentale en Alberta, dirigée par le psychologue W.R.N. Blair de l’Université de l’Alberta. Les résultats de l’étude, publiés en 1969, révélèrent de sérieux problèmes au sein des services de santé mentale de l’Alberta. Blair fit valoir le besoin d’accroitre le recrutement de personnel hospitalier, le traitement des dépendances, les cliniques psychiatriques universitaires et la fin de la ségrégation et de la stigmatisation des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Malgré tout, il continua à soutenir la poursuite du programme eugéniste. En 1972, alors que ce programme prit fin, l’Alberta avait stérilisé 2 822 personnes, dont la majorité avait résidé dans des hôpitaux psychiatriques ou dans l’École de formation (Training School) à Red Deer.

En 1972, Ponoka accueillait son plus bas nombre de patients depuis plusieurs décennies, avec 641 patients en résidence.

Transinstitutionnalisation:

Le complexe provincial de psychiatrie gériatrique de Rosehaven ouvrit à Camrose en 1952. Cinq ans plus tard, le complexe de Deerhome vit le jour à Red Deer pour agrandir l’École de formation pour les déficients mentaux déjà existante. Les enfants qui avaient besoin de traitement à long terme quittèrent progressivement les hôpitaux psychiatriques principaux (Ponoka et Edmonton), qui se transformèrent en «centres de traitement actifs» dans les années 1950 et 1960.

En 1961, l’Hôpital de l’Alberta à Ponoka, la «Provincial Guidance Clinic» et la Ville de Calgary mirent en place une clinique de jour pour permettre aux patients récemment sortis d’avoir un accès régulier à un médecin.

En 1964, la CMHA et l’Hôpital provincial de Ponoka développèrent et mirent en place un programme de foyer d’accueil. Pendant la première année, 24 patients se retrouvèrent dans huit foyers privés. On rapporte qu’à la fin de la première année du programme, six de ces patients étaient devenus autonomes, trois étaient retournés à l’hôpital, et les autres «fonctionnaient de manière adéquate avec l’assistance sociale dans la communauté». En 1966, le programme de foyer s’étendit jusqu’à Calgary, Edmonton, et Red Deer, avec 57 patients en maison d’accueil.

Durant cette même année, des patients se retrouvèrent également à Roberts’ House, une maison de transition créée et gérée par la CMAHA. De plus, le Département des services sociaux à Ponoka aidait à planifier les sorties des patients (notamment en les accompagnant dans leurs recherches d’emploi). La réhabilitation proposée à Roberts’ House et dans les foyers d’accueil, ainsi que les transferts des patients plus âgés vers des centres infirmiers, contribuèrent à un déclin de la population à Ponoka.

De la thérapie par le travail à l’ergothérapie :

L’Hôpital provincial à Ponoka fut construit sur un vaste site agricole. Généralement, les patients travaillaient à la ferme ou s’occupaient de l’entretien ou de la cuisine. Le travail agricole se poursuivit jusqu’en 1962 ; après quoi, on ne cultivait qu’une poignée de légumes.

Un Département d’ergothérapie vit le jour à Ponoka en 1922, sous la direction de Mlle C.C. Dingman. Dans deux grandes pièces dans le Bâtiment principal prévu à cet effet, on organisait des ateliers de tricot, de broderie et de menuiserie.

Homme debout devant une table d’un atelier industriel, travaillant sur un projet
Menuiserie à l’Hôpital de l’Alberta, Ponoka, 1975. (Archives provinciales de l’Alberta)

Grâce à une interprétation large de l’ergothérapie, on assista à des activités récréatives autant organisées qu’informelles. Pendant les soirées, il y avait des spectacles, des danses et d’autres activités sociales. En 1953, on affirmait que plus de 100 patients se rendaient aux cours organisés quotidiennement. Cette même année, l’intérêt manifesté par les patients pour la peinture donna lieu à l’implantation de cours. En 1957, plus de 450 patients se rendirent aux cours dans le studio principal.

En 1963, le recours  à «l’ergothérapie dans son sens le plus vaste» était largement répandu. On enseignait les travaux d’artisanat aux patients de courte durée, alors que pour ceux qui séjournaient plus longtemps, on proposait un choix d’activités beaucoup plus vaste. Bon nombre de ces activités entrainèrent de légères compensations financières pour les individus ou les groupes qui y prenaient part. Ces projets impliquaient la coopération et la collaboration conjointe du personnel de l’hôpital et des habitants de la région avoisinante – un pas en avant vers une prise en charge communautaire de la santé mentale.

Du patient à la personne:

Jeune homme et jeune femme marchant dans un parc collés l'un contre l'autre, avec vêtements des années 1960
Patients de Ponoka sur le terrain de l’hôpital, 1969. (P. Gazzola, collection de photos personnelles)

À partir de la seconde moitié des années 1950, on mit progressivement en place dans l’hôpital des politiques et des programmes favorisant une plus grande liberté des patients, ainsi que des liens plus étroits avec la communauté environnante et une mise à l’écart des pratiques institutionnelles. En 1958, on poursuivait une politique de «laisser-aller», grâce à laquelle les patients jouissaient de plus de liberté de mouvement à l’intérieur de l’hôpital, ce qui entraîna une nette augmentation de la participation des patients aux activités récréatives. Des projets initiés par des patients, jusqu’alors impossibles, commencèrent à prendre forme. En 1959, par exemple, un groupe de patientes organisèrent des soupers formels pour des invités lors desquels elles gérèrent elles-mêmes les opérations.

La diversification grandissante des activités récréatives à Ponoka reflète la transition de patient à personne. En 1960, des patients et des musiciens de la Ville de Ponoka formèrent un groupe de musique. Cette même année, le Club d’art de Ponoka (Ponoka Art Club) organisa tous ses cours à l’hôpital et de nombreux patients s’y inscrivirent et prirent part aux spectacles. On installa un cinéma et on construisit une nouvelle salle de classe. En 1963, on mit en place un site de camping et dans les années qui suivirent, on proposa de nombreuses sorties, jusqu’aux parcs nationaux de Banff et Jasper.

Mise en scène humoristique présentant un homme et une femme tenant chacun une bouteille d’alcool derrière des barreaux de prison
Patient Patty Gazzola et un infirmier de Ponoka à le Stampede de Calgary, 1969. (P. Gazzola, collection de photos personnelles)

Le 1er janvier 1965, une nouvelle Loi sur la santé mentale (Mental Health Act) entra en vigueur. Elle contenait des dispositions pour permettre l’admission volontaire et mettre un terme aux actions en justice relatives à des admissions involontaires. La loi était une réponse aux inquiétudes croissantes du public concernant les droits et le bien-être des patients. Le 24 février 1968, le Canadian Magazine publia un article de fond qui montrait comment la journaliste Tori Salter avait feint d’être atteinte de schizophrénie pour être admise à l’Hôpital de l’Alberta à Edmonton. Salter révéla que la plupart des patients «passait leur temps dans l’oisiveté» dans des dortoirs confinés et sans confort. Même si l’initiative de Salter suscita la controverse, l’article contribua à une prise de conscience, chez la population albertaine, des problèmes liés à la santé mentale. La publication du rapport Blair en 1969, qui constitua une recommandation majeure en faveur de la décentralisation des hôpitaux psychiatriques, fut une réponse partielle à ces inquiétudes.

Jeune homme avec un look des anneés 1960 assis sur une chaise devant un vieux juke box
Un patient de Ponoka réputé incarcéré parce qu’il était homosexuel. (P. Gazzola, collection de photos personnelles.)

La Loi sur la santé mentale (Mental Health Act) de 1972 instaura de nouveaux recours pour permettre aux patients de faire valoir leurs droits. La partie 3 de la loi donnait notamment aux patients le droit de demander un interprète, le droit de demander la révision ou l’annulation d’un certificat d’incapacité et le droit au respect de la vie privée (par exemple, la remise de courrier sans modifications préalables ou des visites non-encadrées).

En 1980, la Loi provinciale sur la Santé mentale fut de nouveau amendée pour inclure les droits confidentiels et en 1990 pour inclure un défenseur pour patients en santé mentale (Mental Health Patient Advocate) chargé de défendre les droits des patients dans les institutions de la province. Le rôle du défenseur est multiple : examiner les plaintes des patients, les informer de façon indépendante, et promouvoir la connaissance des droits légaux relatifs à la santé mentale chez le public, les professionnels et les consommateurs.

Le personnel durant la période de désinstitutionalisation:

D’un point de vue historique, Ponoka est un lieu important pour son rôle dans l’émergence de l’infirmerie psychiatrique comme spécialité. En 1930, le premier programme de formation à l’infirmerie psychiatrique du Canada fut instauré à Ponoka. En 1949, tous les infirmiers généraux en psychiatrie furent formés à l’institution de Ponoka.

Le 1er avril 1949, Neil C. Crawford fut nommé travailleur social à plein temps à Ponoka. Le rapport annuel affirme que «ce besoin a été accompli. Un travailleur social qualifié peut faire beaucoup pour mettre en place la réhabilitation des patients au sein de leur foyer». Présenté comme offrant d’importants services, Crawford allait régulièrement voir des anciens patients au sein de leur communauté.

Cependant, durant les années 1940 et 1950, le recrutement et le maintien à niveau des effectifs à Ponoka étaient problématiques. On considérait que la professionnalisation de l’infirmerie psychiatrique faisait partie de la solution. En 1952, le transfert des patients âgés vers Rosehaven constitua une solution de rechange au problème de personnel, mais il demeura un problème pour les institutions psychiatriques dans la province.

Les services de consultation externe qui s’étaient développés dans les années 1960 nécessitaient du personnel supplémentaire, ce qui entraîna le développement d’infirmeries psychiatriques en dehors de l’hôpital. En janvier 1966, l’Hôpital d’Alberta à Ponoka embaucha Margaret Mandryk comme première infirmière de santé publique. Elle se considère comme une pionnière dans le domaine de l’infirmerie publique.

De nombreuses recommandations, parmi les 189 du Rapport Blair de 1969, avaient trait au personnel. Spécifiquement, Blair appela à étendre le service au-delà de l’hôpital et remarqua qu’il fallait du personnel hautement qualifié dans tous les services offerts par les institutions.

Bibliographie:

Alberta Department of Public Health. Annual Reports of the Department of Public Health. Edmonton: Department of Public Health, 1950–1966.

Alberta Mental Health Patient Advocate Office. https://www.mhpa.ab.ca.

Ambercrombie, Sheila. Alberta Hospital Edmonton, 1923 to 1983. Edmonton: Alberta Hospital Edmonton, 1983.

Boschma, Geertje. “Community Mental Health Nursing in Alberta, Canada: An Oral History.” Nursing History Review 20 (2012): 103–35.

Boschma, Geertje. “Deinstitutionalization Reconsidered: Geographic and Demographic Changes in Mental Health Care in British Columbia and Alberta, 1950–1980.” Histoire Sociale/Social History 44, no. 2 (2011): 223–256.

Kerr, Janet C. Prepared to Care: Nurses and Nursing in Alberta, 1859 to 1996. Edmonton: University of Alberta Press, 1998.

LaJeunesse, Ronald A. Political Asylums. Edmonton: The Muttart Foundation, 2002.