Le militantisme politique
Les sévères critiques de LeBlanc et St-Amand à l’endroit du système psychiatrique et leurs positions en faveur d’alternatives en santé mentale les ont inévitablement conduits à quelques confrontations avec les milieux institutionnel et politique. Toutefois, les doléances qu’ils expriment lors d’événements officiels sont parfois des occasions pour obtenir la reconnaissance des instances en place. Ainsi, après l’annonce du retrait d’une subvention gouvernementale destinée au GSEI à quelques jours d’une rencontre dans laquelle il devait présenter le ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, LeBlanc adresse une lettre au ministre et en livre une copie aux personnes attendues à la réunion. Il fallut alors peu de temps pour que la subvention soit finalement accordée de nouveau. Pour LeBlanc, ces pressions exercées sur les instances gouvernementales sont une stratégie obligée pour assurer la réalisation et la longévité de ses projets : «il faut toujours essayer de déjouer l’autre pour aller un peu plus haut». À l’occasion de la présentation du projet visant à recueillir la parole d’ex-psychiatrisés, faite lors d’une conférence réunissant les fonctionnaires et les professionnels de la santé mentale à Fredericton en 2003, LeBlanc déclare que la psychiatrie est la seule branche médicale dont les façons de faire sont contestées par ses patients. Quelques mois plus tard, les centres d’activités alternatifs de la province reçurent du financement gouvernemental.
L’engagement de LeBlanc et St-Amand en faveur d’alternatives en soins de santé mentale se heurte souvent à un rapport de force défavorable face à la Commission de santé mentale du Canada qu’ils considèrent comme l’élite du milieu psychiatrique. Malgré ses critiques du milieu institutionnel, LeBlanc fut invité à siéger à un comité composé d’anciens psychiatrisés, The Hallway Group, et participa à d’autres comités de consultation. Il constate toutefois rapidement que les membres de la Commission de santé mentale se montrent souvent intolérants envers les groupes de personnes psychiatrisées. Il remarque que la Commission manifeste beaucoup de compassion pour l’individu, pris isolément, mais se montre beaucoup plus hostile envers les regroupements. De plus, dans les conférences organisées par la Commission, les récits personnels qui y sont présentés sont généralement constitués autour d’une trame dans laquelle le milieu psychiatrique est valorisé. L’intervention d’un psychiatre y étant présentée comme un moment salutaire pour l’individu. Aussi, les modifications récentes des structures et du mode d’opération de la Commission ont accentué sa proximité avec les institutions psychiatriques. S’il reconnaît que le programme At Home/Chez soi visant à assurer un logement aux personnes psychiatrisées s’est avéré bénéfique pour certains individus, LeBlanc se dit considérablement déçu de l’orientation globale prise par la Commission au cours des dernières années :
Nérée partage son avis mitigé au sujet de la Commission de santé mentale du Canada:
De son côté, St-Amand a été invité à siéger au comité consacré aux familles de personnes ayant été psychiatrisées. Il sent alors que sa présence est peu appréciée par certains membres de son comité, sans doute en raison de ses positions très critiques à l’égard de la psychiatrie. Il constate de plus que les huit différents comités de la Commission sont loin d’avoir le même poids. Le comité consacré aux familles de personnes psychiatrisées s’avère ainsi nettement moins influent que d’autres comités dirigés par des psychiatres à la tête d’hôpitaux ou d’autres institutions prestigieuses :
Nérée fait part du désquilibre entre les divers comités composant la Commission de santé mentale du Canada:
St-Amand constate aussi d’importantes lacunes dans le fonctionnement de la Commission, notamment dans sa considération défaillante des francophones et des Autochtones; dans sa méconnaissance des particularités des institutions et organisations de santé mentale québécoises; de même que dans sa tendance à négliger les acteurs communautaires et alternatifs en santé mentale. LeBlanc dénonce le manque d’ouverture de la Commission face aux francophones, un phénomène dont il a été maintes fois témoin. Lors de la conférence sur le stigma par exemple, la Commission n’a contacté que des médias anglophones sous prétexte qu’elle n’avait pas suffisamment de fonds. Même phénomène lors de la conférence internationale sur la santé mentale de Vancouver en 2009, alors que des présentations bilingues étaient rédigées dans un très mauvais français.