Hospice Saint-Jean-de-Dieu
Nom(s) de l’institution:
Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Hospice Saint-Jean-de-Dieu (aussi nommé Asile Saint-Jean-de-Dieu et plus tard Hôpital Saint-Jean-de-Dieu)
En 1976, devient l’Hôpital Louis-Hyppolite Lafontaine
En 2013, devient l’Institut en santé mentale de Montréal
Année d’ouverture:
1873
Lieu
Longue-Pointe, Montréal, Quebec
Période de désinstitutionnalisation:
1960-1980
Démographie des patients:
À son ouverture, l’hospice est un immense complexe comptant 79 chambres privées, 27 salles, deux infirmeries, 23 réfectoires, 51 dortoirs, 150 cellules, une cuisine comprenant deux étages et cinq dépenses.
Anneé | Hommes | Femmes | Total | Anneé | Total |
1875 | 156 | 252 | 408 | 1931 | 3639 |
1880 | 314 | 412 | 726 | 1941 | 6111 |
1885 | 453 | 498 | 951 | 1951 | 6159 |
1889 | 612 | 634 | 1246 | 1961 | 9118 |
1911 | 1971 | 1964 | 3000 | ||
1922 | 2743 | 1969 | 2652 |
Désinstitutionnalisation:
En 1961, Jean-Charles Pagé, un ancien patient de Saint-Jean-de-Dieu publie un livre choc intitulé Les Fous crient au secours!, dans lequel il dénonce les conditions d’internement que subissent les personnes psychiatrisées et dépeint l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu comme une prison. Il suggère également des pistes de solution afin d’améliorer la qualité de vie des patients. La parution du livre, vendu à 4 000 exemplaires, suscite de vives réactions et sera le catalyseur des réformes gouvernementales instaurées à la suite du dépôt du rapport de la Commission Bédard en 1962.
La Commission Bédard propose une réforme en profondeur du système psychiatrique, en le restructurant autour de deux pôles : les hôpitaux psychiatriques et les hôpitaux généraux. Ses recommandations visent à moderniser les 16 hôpitaux psychiatriques existants au Québec en limitant leur taille et le nombre de patients à 500 lits, regroupés au sein de sous-divisions constituées en services quasi autonomes en fonction du diagnostic des patients. L’hospitalisation devra désormais constituer une solution de dernier recours et les hôpitaux fonctionner selon une philosophie de porte ouverte, en se constituant en milieu thérapeutique dont l’objectif ultime est la guérison du patient et sa réinsertion dans la société. Les asiles allaient céder leur place à des hôpitaux regroupant différentes ressources scientifiques, matérielles et humaines nécessaires à cette finalité. Pour leur part, les hôpitaux généraux de 200 lits et plus devront désormais tous s’équiper d’un département de psychiatrie représentant 10 % de leur capacité d’accueil et inclure un service de clinique externe, afin de se rapprocher du milieu de vie des patients.
- En 1964, l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu compte environ 3 000 patients )
- En 1969, 2 652 patients
- En 1971, les foyers du service social comptent 304 patients et les 43 foyers affiliés en accueillent 575
Transinstitutionnalisation:
En 1964, l’hôpital met sur pied un service ayant pour mission d’éviter les hospitalisations inutiles. S’ajoutent ensuite un service de soir, ainsi qu’un service de soins à domicile. L’hôpital déploie également des équipes de soins à caractère multidisciplinaire intégrant de nouveaux professionnels (travailleurs sociaux, psychologues, ergothérapeutes, etc.). Des services communautaires sont aussi dispensés. Ces équipes cherchent à assurer le lien entre l’hôpital et la famille.
Des résidences externes, pouvant accueillir au moins 5 pensionnaires, sont aussi instaurées. Au nombre de 46 en 1964, ces foyers visent à se substituer à l’hôpital, dans un environnement plus convivial. En 1972, ces résidences accueillent 304 personnes, dont environ le tiers sont en congé définitif de l’hôpital.
En 1969, l’hôpital instaure une nouvelle structure, le Service de psychiatrie communautaire, qui vise à répondre aux demandes de soins dans une approche familiale et communautaire afin d’éviter l’hospitalisation. Ce service peut également décider de fournir des soins à domicile.
De la thérapie par le travail à l’ergothérapie :
Avant la désinstitutionalisation, les patients hospitalisés à Saint-Jean-de-Dieu doivent exercer des tâches du moment où leur état leur permet. Dans Les fous crient au secours!, Jean-Charles Pagé rapporte que la plupart des patients travaillent dans différents ateliers destinés aux réparations des salles du complexe hospitalier : «Le Centre est constitué de divers ateliers voyant aux réparations de toutes les salles. Chaque corps de métier y est représenté. Selon les besoins, il faudra des cordonniers, des machinistes, des peintres, des menuisiers, des plâtriers. Les malades affectés à ces ouvrages doivent avoir la même ponctualité que s’ils travaillaient pour une compagnie. Leur journée a en moyenne une durée de six à sept heures. […] Leurs salaires s’élèvent à 75 cents par semaine, et comme boni, un petit paquet de cigarettes» (Pagé, 85).
En lieu et place du travail manuel, les réformes initiées par la Commison Bédard préconisent l’offre d’activités à caractère thérapeutique. En 1964, les bâtiments de la ferme sont démolis.
Du patient à la personne:
À partir du milieu des années 1960, plusieurs foyers affiliés introduisent de nouvelles thérapies de réadaptation : art-thérapie, musicothérapie, expression corporelle, expression sociale.
À l’hôpital, une première série de cours sur la «remotivation» est également donnée. Une bibliothèque pour les patients, distincte de celle du personnel, ainsi que deux centre d’audiovisuels voient le jour.
Un journal produit par des patients de Saint-Jean-de-Dieu, Rayons d’espoir, est également publié. En 1972, il est tiré à plus de 1 500 exemplaires.
Des modifications architecturales sont aussi apportées au complexe hospitalier. En 1964, on remplace les barreaux et grilles par des moustiquaires de protection.
Le personnel durant la période de désinstitutionnalisation:
Après le Rapport Bédard (1962), l’hôpital reçoit une allocation majorée pour chaque patient, ce qui permet l’embauche de personnel plus qualifié.
En 1964, l’hôpital obtient une accréditation de l’Université de Montréal et du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Il accueille et forme dès lors des internes, en plus de doctorants en psychologie. En 1969, plusieurs contrats de service sont signés avec les cégeps pour permettre aux étudiants en techniques infirmières d’y effectuer leur stage. Des ententes sont également établies avec certains hôpitaux généraux. Ainsi, à partir de 1970, le service d’anesthésie de Saint-Jean-de-Dieu est désormais assuré par l’équipe d’anesthésistes de l’hôpital Maisonneuve.
En 1973, l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu signe un contrat d’affiliation avec l’Université de Montréal et devient dès lors officiellement un centre hospitalier d’enseignement universitaire.
Dans les années 1970, la désinstitutionnalisation à Saint-Jean-de-Dieu entraîne le départ des Sœurs de la Providence, qui dirigent l’hôpital depuis un siècle. Le personnel sera désormais exclusivement laïc. Le docteur Denis Lazure, nommé directeur général en 1974, organise l’hôpital selon le principe de la sectorisation. En 1976, l’hôpital prend désormais le nom de Centre hospitalier Louis-Hyppolyte Lafontaine et est organisé autour de trois pôles : un centre hospitalier à court terme, un centre hospitalier de soins prolongés de plus de trois mois et un centre hospitalier pour patients incurables. Cette réorganisation structurelle entraine alors une vague de démission au sein du personnel, le nombre de psychiatres passe alors de 48 à 21.
Bibliographie:
Bédard, Dominique, et al. Rapport de la Commission d’études des hôpitaux psychiatriques. Quebec City: Ministère de la santé de la province de Québec, 1962.
Boudreau, Françoise. De l’asile à la santé mentale : les soins psychiatriques : histoire et institutions. 2e édition. Montréal: Saint-Martin Publishers, [1984] 2003.
Fleury, Marie-Josée, et Guy Grenier. “Historique et enjeux du système de santé mentale québécois.” Ruptures, revue transdisciplinaire en santé vol. 10, n° 1 (2004): 21–38.
Keating, Peter. La science du mal: L’institution de la psychiatrie au Québec, 1800–1914. Montréal: Boréal, 1993.
Lecomte, Yves. “De la dynamique des politiques de désinstitutionnalisation au Québec.” Santé mentale au Québec vol. 22, n° 2 (1997): 7–24.
L’Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ). “La mémoire des édifices: des noms gravés dans la pierre.” L’Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ). https://www.iusmm.ca/institut/professionnels-et-publications/chroniques-historiques/noms-graves-pierre.html.
Pagé, Jean-Charles. Les Fous crient au secours! Montréal: Éditions du Jour, 1961.
Sœurs de la Providence. Un héritage de courage et d’amour ou La petite histoire de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu à Longue Pointe, 1873–1973. Montréal: Communauté des Soeurs de la Providence, 1975.
Wallot, Hubert. La danse du fou entre la compassion et l’oubli : Survol de l’histoire organisationnelle de la prise en charge de la folie au Québec depuis les origines jusqu’à nos jours. Beauport: Beauport Publications MNH, 1998.