Osons imaginer
Après près de trois décennies d’engagement pour faire entendre la voix des personnes psychiatrisées et malgré l’importance du travail accompli, LeBlanc et St-Amand ont conscience que la bataille est loin d’être gagnée. Le système institutionnel demeure largement dominant, les alternatives en santé mentale sont encore trop peu reconnues, et les préjugés sociaux à l’endroit des personnes psychiatrisées sont tenaces. Pour LeBlanc, améliorer la condition des personnes psychiatrisées doit aller au-delà d’une bonification de l’offre de services. Elle doit d’abord passer par des changements socioéconomiques en profondeur. Reconnaissant l’utilité de la psychiatrie comme option pertinente dans certains cas, LeBlanc croit qu’elle doit être un ultime recours, ce qui est encore loin d’être le cas aujourd’hui:
Eugène parle des problèmes encore criants dans le système de santé mentale actuel:
LeBlanc critique également le fait que la réhabilitation psychosociale soit toujours gérée par les institutions et considère que le milieu communautaire serait en meilleure position pour le faire. Aussi fait-il valoir la nécessité de renforcer le lien entre les personnes psychriatisées et leur communauté. À l’instar de certaines expériences de thérapies alternatives menées au Brésil ces dernières années, il croit qu’il faut accroître le rôle de la communauté dans le processus de guérison de la personne. St-Amand abonde dans le même sens et considère qu’il est impératif de repenser notre modèle de société. Inspiré par des modèles alternatifs d’organisation sociale, il croit qu’il faut reconnaître davantage les bienfaits de certaines activités sur la santé mentale et éviter de recourir précipitamment aux solutions psychiatriques. Il est d’avis que le sport et l’art ont un potentiel thérapeutique trop peu considéré :
Nérée évoque les alternatives qui devraient être privilégiées à la psychiatrisation:
LeBlanc travaille actuellement à la mise sur pied d’un Centre international des connaissances alternatives en santé mentale afin de documenter et de répertorier les travaux sur la santé mentale qui sont menés dans une perspective alternative à travers le monde. À terme, le centre occupera un petit édifice à Moncton et permettra l’accès en ligne à des milliers de documents. LeBlanc espère que ce centre devienne une référence à l’échelle internationale, et qu’il contribue à transformer les mentalités en encourageant les gens à s’ouvrir aux alternatives en santé mentale : «Si c’est bien organisé entre ces quatre murs-là, il y a un message important qui peut passer».
Malgré les obstacles auxquels LeBlanc et St-Amand sont encore régulièrement confrontés, ils ont toujours espoir de voir les choses s’améliorer. LeBlanc croit qu’une conscientisation s’opère actuellement dans la population en général, ainsi que chez les personnes psychiatrisées et leurs proches. Un nouveau discours faisant contrepoids au discours dominant des grandes institutions nationales en santé mentale semble en voit de renverser la balance. Il croit que le récent ouvrage collectif Mad Matters : A Critical Reader in Canadian Mad Studies, dirigé par Brenda A. Lefrançois, Robert Menzies et Geoffrey Reaume, peut y contribuer. Enfin, il souhaite qu’un réseau émerge autour de Our Voice/Notre voix, des auteurs de Mad Matters et de tous ceux qui militent pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes psychiatrisées.